Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     GROS     
FEW IV grossus
GROS, adj. et subst. masc.
[AND : gros1 ; DÉCT : gros ]

I. -

Adj.

A. -

"Gros" : Premiers entendemens en rist, Uns beaus yeus gais, vairs et faitis Qui n'est trop gros ne trop petis ; Et volentés par compaingnie Rit aussi... (MACH., D. Aler., a.1349, 353). La barbe [de Polyphème] est au corps afferans Qui ressemble dens de cerens, Qu'elle est poingnans et rude et grosse. (MACH., Voir, 1364, 620). ...Souventes fois estoit assis Sur un perron gros et massis (MACH., Voir, 1364, 628). Un chevalier y ot d'Escosse, Qui ne fu pas mors de la bosse, Car il cuidoit le feu bouter En la porte, et sans arrester, D'une grosse pierre de fais Fu mors, et tués et deffais. (MACH., P. Alex., p.1369, 86). ...Il passeroit, la teste armée, Tout outre pour un pont deffaire, Qu'est entre Alixandre et le Quaire, Sus une moult grosse riviere... (MACH., P. Alex., p.1369, 91). ...Li jours passa, li vespres vint, Si que herbergier le couvint ; Car il avoit moult batillié La journée et moult travillié. Il choisi une grosse tour, Qui n'estoit pas trop en destour, Et s'estoit forte et bien assise, N'i a celui qui ne la prise. (MACH., P. Alex., p.1369, 96). ...Et moy, Guillaume de Machaut, Qui ne puis trop froit ne trop chaut, Si que nos deux noms trouverez, Se diligemment les querez En ces IJ. vers de grosse lettre. Mar. oster et h. y faut mettre ; Si les trouverez proprement, Or les querez diligemment. (MACH., P. Alex., p.1369, 275). C'est grant doleur que d'estre en maladie, D'avoir les fievres, froidures ou frissons, Rage de dens et mal d'espidemie, Estre batu souvent de gros bastons, Avoir gravelle et mal de trenchoisons, Si n'est il mal tel, à mon jugement, Com le meschief que d'avoir pou d'argent. (MACH., App., 1377, 646).

 

-

Grosse fourme : Vez ci comment, se bien querez, Son nom et le mien trouverez. Prenez ce plus prochain notable : Si les y trouverez, san fable, En IJ. vers d'une grosse fourme. Dont le darrenier vous enfourme. Que .h. seule y ajousterés Et dou premier mar osterés. (MACH., P. Alex., p.1369, 8).

 

-

[En parlant d'un animé] : Si montai sur ma haguenee, Qui estoit grosse et grasse et lee, Et m'en alai tout bellement, Quar bien en avoie aisement. (MACH., Voir, 1364, 190).

 

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"Bâti en force" : Se vous estiés or sur la roche Du jaiant [Polyphème] qui les nez arroche Des grans pierres et des grans cros ! Tant est fors, orguilleus et gros Que les nés perist et affonde Dedens la haute mer parfonde (MACH., Voir, 1364, 620).

B. -

"Important"

 

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[Dans l'ordre quantitatif] : Si que longuement consilla, Et trouvé en son conseil a Qu'il face une très grosse armée, Et qu'il mande par la contrée Ses subgés et ses bons amis Pour destruire ses anemis. (MACH., P. Alex., p.1369, 129). Tout fut rifflé par le plaisir d'amours Et tout galé sanz compte et sanz mesure, Et buvoit on de gros cops et de lours Et avoit on souvent grace pasture ; Mès aussi el en devint si tres pure Qu'il n'ot vaillant sur li n'en sa meson, Dehors le [cul], qui vausist .J. ramon. (MACH., App., 1377, 637).

 

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[Dans l'ordre qualitatif] : Quant je fui venus devant elle, Tantost me prist la bonne et belle Et m'asseï delez sa coste Et mon secretaire d'encoste, Qui de moi partir se voloit, Dont li cuers forment me doloit, Car il avoit un gros affaire Qu'il li couvenoit a chief traire. (MACH., Voir, 1364, 294). Je fu ses clers, ans plus de XXX., Si congnu ses meurs et s'entente, S'onneur, son bien, sa gentillesse, Son hardement et sa largesse, Car j'estoie ses secretaires En trestous ses plus gros affaires. S'en puis parler plus clerement Que maint autre, et plus proprement. (MACH., P. Alex., p.1369, 25). En Cracoe la metterons, Et, se Dieus plaist, nous y serons Sans querir essoinne, n'alongne Pour parler de ceste besongne ; Car la matiere est grosse et grande. C'est bien raison qu'on y entende, Et qu'on la traite sagement, Si qu'elle ait bon definement. (MACH., P. Alex., p.1369, 38).

C. -

[En parlant d'une femme] "Grosse, enceinte" : Au mains entendés ma complainte : Je sui de vous grosse et ençainte Et li enfes n'a riens meffait, Doulz amis, que vous m'avez fait. (MACH., Voir, 1364, 702).

 

-

Estre grosse d'enfant : Et ou darrein point contenoient Que s'amie estoit mariée Au plus vaillant de la contrée, Et estoit ja grosse d'enfant. "Haro !" dist il, "li cuers me fent. Hé ! Mors, que ne me viens tu prendre ? A po que je ne me vois pendre !" Lors prist ses cheveus a tirer, Et puis sa robe a dessirer. (MACH., J. R. Nav., 1349, 215).

D. -

[En parlant du vent] "Violent" : Li vens fu gros, la mer fu tourble, L'onde de la mer l'iaue tourble Si qu'il n'i avoit si hardi Qui n'eüst cuer acouardi... (MACH., P. Alex., p.1369, 110). Li vens fu gros, la mer s'enfla, Pour le vent qui trop fort souffla, Si que les ondes ressambloient Monteingnes, si hautes estoient ; Et dessous sambloit uns abismes. (MACH., P. Alex., p.1369, 113).

II. -

Subst. masc.

A. -

"Grosseur"

 

-

Loc. : Aimy ! Que ne suis je partis par mi, Quant j'ay si longuement gemi Et tant plouré et tant fremi, Que le gros de l'uef d'un fremi N'ay receü, par saint Fremi, De joie en plus d'an et demi ! (MACH., C. ami, 1357, 142).

B. -

"Dimension, conformation" : Mais a merveille Fu sa couleur, des autres nompareille, Car elle fu vive, fresche et vermeille, Plus que la rose en may, eins qu'on la cueille, Et, a briés mos, Blanche com noif, polie, de biau gros Fu sa gorge, n'i ot fronce ne os ; Et s'ot biau col dont je la pris et los. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 71).

C. -

Au fig. "Personnage important"

 

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[Dans l'expr. de la totalité par les contraires] : Quant en Chypre furent venu, Tantost li gros et li menu Furent mandé par le royaume. Il n'i ot Gautier ne Guillaume En toute la mer d'environ, S'il sot nagier d'un aviron, Qu'il ne mandassent pour eaus dire Qu'il apareillent leur navire ; Car le roy einsi le commande. (MACH., P. Alex., p.1369, 54).

D. -

En partic. "Pièce de monnaie de peu de valeur" : Garde t', amis, qu'aus dez ne joues Et que pas ton temps n'i aloues, Car c'est chose trop deshonneste A prince qui quiert vie honneste ; Car il ne vient pas de franchise, Eins est fondez seur couvoitise, Et s'i moustre on si sa maniere Que maint en parlent en derriere. Mais s'un petit t'i vues esbatre, Joue vint gros ou vint et quatre A dames et a pucelettes, De cuer et de pensee nettes. Et se tu gaaingnes leur argent, Donne le tantost a leur gent, Et le tien aussi, sans plus dire. (MACH., C. ami, 1357, 138). Mais grans aumosnes departi Einsois aus povres de sa main, Comment qu'il fust oscur et main, Car a chascun qui en voloit Un gros de la main li voloit. Mais je ne vi onques mais homme Si lié ne si conforté comme Il estoit, quant il fu aus champs. (MACH., F. am., c.1361, 242).
 

Guillaume de Machaut Noël Musso


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